Le Polygone étoilé

Vidéo anamorphose François Abelanet

Le Polygone étoilé

A l’Institut du Monde Arabe, un polygone étoilé, dans le cadre de l’exposition « Jardin d’Orient » (printemps-été 2016)

Réinventer la forme parfaite et changer notre regard sur le monde

Peut-on générer un récit capable de s’échapper de la référence littérale, tout en étant authentiquement conséquent de l’histoire du jardin oriental ? En créant une immense anamorphose sur l’esplanade de l’IMA à l’occasion de l’événement « Jardins d’Orient », je pense apporter -modestement- une réponse positive.

Un lien entre histoire et modernité

Offrant une approche déstructurée qui se reconstruit naturellement depuis un unique point de vue, l’anamorphose entretient un lien très fort avec la représentation spatiale du monde oriental. Avec ses éléments suspendus rayonnant autour du bassin, symbole de la vie éternelle, avec sa part de mystère (de mirage) entourant la découverte de l’image, avec son parcours initiatique -sa rampe- l’anamorphose participe de ce lien entre histoire et modernité. Elle révèle non seulement un autre paysage, un autre cheminement fait de légèreté, d’interrogation, de merveilleux, mais elle révèle aussi un autre « nous »

Une proximité évidente avec l’art oriental

Le choix du polygone étoilé comme image reconstituée est apparu comme évident. L’art visuel islamique n’est que l’extériorisation d’un état contemplatif. C’est un art actif, qui vise à transformer l’environnement de l’homme, à lui permettre d’entrer en contact avec l’invisible. Il s’agit de créer un espace vide, dont les murs couverts d’ornements visibles et entrecroisés à l’infini permettent de contempler ce qui n’a pas de forme, pas de contours, l’Insaisissable. L’art abstrait n’est pas dépourvu, loin de là, d’une dimension symbolique. Parmi les motifs les plus répandus, on trouve le polygone étoilé à huit branches : synthèse du cercle (symbole du divin, de l’origine et de la perfection) et du carré (symbole terrestre, de la création). Les entrelacs géométriques, de leur côté, combinent le mouvement rythmique de l’arabesque avec la géométrie cristalline et intemporelle des formes qui s’entrecroisent selon d’infinies possibilités. Ils forment des figures sur lesquelles l’œil ne peut s’arrêter car elles partent de centres multipliés à l’infini. On retrouve l’idée de l’ubiquité du Centre. C’est l’Unité au cœur de la multiplicité.

Un challenge absolu

Pour réaliser cette anamorphose, il a fallu tout inventer : la forme des pièces de puzzle (32, les plus lourdes pesant 9 tonnes) ; la nature des structures (350 supports métalliques tous différents les uns des autres) destinées à mettre hors sol cette fresque insolite ; les familles de plantes sélectionnées (6 000 vivaces de 120 espèces différentes qui évolueront au cours des mois); les périmètres de sécurité, la nature des éclairages, le fonctionnement de l’arrosage, l’affichage des explications…

L’anamorphose et les jardins d’Orient ne s’étaient jamais rencontrés. Leur proximité apparait si forte qu’elle s’impose comme une évidence. Évidence trompeuse ? A vous de le décider…